Le bon objectif de déficit

02
Juil
2013

Le bon objectif de solde budgétaire est le solde structurel qui présente un triple avantage :


1) Au niveau macroéconomique d'abord, il laisse jouer les stabilisateurs automatiques: on évite ainsi d'aggraver les récessions par des politiques d'austérité; et, dans les hauts de cycle, de procéder à des allègements fiscaux, qui paraissent anodins  mais que l'on paie plus tard par une augmentation du déficit structurel.

2) Il respecte le vote du parlement. On ne vote ni un taux de croissance ni une situation conjoncturelle, mais des mesures qui s'incarnent dans l'effort structurel, c'est à dire dans la variation du solde structurel.

3) Enfin, il donne la véritable tendance du déficit budgétaire. La crise a creusé les déficits à peu près de la même façon en Allemagne, en France et en Europe. Les déficits de 2012 retracent ainsi ceux qui prévalaient avant la crise lorsque la France a accumulé un déficit structurel considérable, alors que l'Allemagne était revenue a l'équilibre.

Ci dessous, un extrait vidéo de mon intervention; le texte dans la suite de cette note

 


Pierre-Alain Muet, débat d'orientation... par pamuet

 M. Pierre-Alain Muet. Partisan de longue date du raisonnement en termes de déficit structurel, je suis heureux de voir la Cour des comptes adopter cet indicateur qui présente un triple avantage.
Au niveau macroéconomique d'abord, il laisse jouer les stabilisateurs automatiques, le budget absorbant environ un tiers du choc conjoncturel. Ne pas courir après le déficit effectif évite d'aggraver les récessions par des politiques d'austérité, et, dans les hauts de cycle, de procéder à des allègements fiscaux qui paraissent anodins, mais que l'on paie plus tard par une augmentation du déficit structurel.

Cet indicateur permet également de respecter le vote du Parlement. Monsieur le président de la commission des Finances, les élus ne votent ni un taux de croissance ni une situation conjoncturelle, mais des mesures ; or ces mesures – adoptées par la majorité – s'incarnent dans l'effort structurel, c'est-à-dire dans la variation du solde structurel. Ce concept se révèle donc politiquement plus pertinent que celui du solde effectif.

Enfin, contrairement à ce dernier, il donne la véritable position du déficit budgétaire dans le cycle économique. La crise a creusé les déficits à peu près de la même façon en Allemagne, en France, dans la zone euro et dans toute l'Europe des vingt-sept. En 2008, le solde structurel de l'Allemagne – dont le solde effectif restait quasiment à l'équilibre – présentait un déficit de 0,5 à 1 point de PIB ; le déficit structurel de la France dépassait alors 4 %, et son déficit effectif se situait à 3,3 %. En 2012, on retrouve quasiment les mêmes chiffres de solde structurel ; l'héritage remonte donc à l'époque d'avant la crise où, contrairement à l'Allemagne, beaucoup de pays européens – tout particulièrement la France – ont accumulé un déficit structurel considérable.

Vu ces trois avantages, le solde structurel représente le bon concept pour orienter les politiques économiques, et je suis heureux que l'Europe l'ait retenu dans le projet constitutionnel. Il va sans dire qu'il reste indispensable de surveiller également le déficit effectif qui indique où en est l'augmentation de l'endettement.

En revanche, je ne suivrai pas la Cour des comptes lorsqu'elle conseille de s'inspirer des programmes d'ajustement budgétaire des autres pays européens pour imaginer des pistes de réformes structurelles. L'absence de coordination entre les politiques économiques des États membres conduit l'Europe vers la récession et représente un véritable sujet de préoccupation. Moins endettée que les États-Unis et le Japon, l'Europe a réussi à provoquer une crise de l'euro et de la dette simplement parce qu'elle n'est pas venue suffisamment vite au secours de la Grèce, petit pays qui représente 3 % de PIB européen.

Je réagis également aux propos d'Éric Woerth. Au bout de quarante ou cinquante ans de débat, les économistes s'accordent aujourd'hui à dire qu'à court terme, la hausse des prélèvements se révèle à la fois plus facile à mettre en œuvre et moins dépressive que la réduction des dépenses, mais à long terme c'est l'inverse. Le Gouvernement a donc raison de faire reposer, au début, les économies pour un tiers sur la réduction de dépenses et pour deux tiers sur la hausse des prélèvements, et d'inverser cet équilibre dans la suite de la politique économique. Surtout – vous l'avez rappelé, monsieur le Premier président –, quand on sélectionne bien les mesures, remplaçant la hausse générale d'impôts par la suppression de niches ou par d'autres mesures subtiles, l'effet dépressif peut être considérablement réduit. C'est ce que la politique économique conduite depuis un an s'est efforcée de faire.

Quant au CICE, s'il peut sembler complexe par rapport à un allégement de cotisations, il présente l'avantage de la subtilité. Le décalage d'un an entre le moment où l'on soutient l'action des entreprises et celui où l'on prélève sur les ménages peut paraître anodin, mais – comme souvent en macroéconomie – il se révèle décisif.

Je me félicite enfin que la Cour des comptes se penche sur la croissance potentielle. Les différentes institutions ne divergent pas tant sur sa définition que sur le niveau de PIB potentiel, qui permet de situer l'économie dans le cycle. Entre les chiffres utilisés par l'Europe et Bercy – très bas – et ceux de l'OFCE – très hauts –, l'écart peut aller de 3 à 6 points de PIB. L'accord sur la définition de la croissance potentielle signifie que la notion d'effort structurel fait également l'objet d'une convergence. En tout état de cause, la Cour a raison d'insister sur cet aspect.