Non au bouclier fiscal

05
Mai
2009

Dans la suite de cette note, mon intervention à l'Assemblée cet après midi, lors de l'explication de vote du groupe socialiste sur la la proposition de Loi "hauts revenus et solidarité" . Ce soir le débat continue sur Hadopi.

Interventions de Pierre-Alain Muet à l'Assemblée nationale

Proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité

Deuxième séance du mardi 5 mai 2009

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, dans quelques instants, vous allez vous exprimer sur deux questions qui sont au cœur de la crise que nous traversons actuellement.

Au moment où le chômage explose, alors que 90 % des salariés ont vu leur pouvoir d’achat stagner depuis cinq ans, alors que la rémunération des dirigeants des grandes entreprises a littéralement explosé, peut-on accepter que l’argent public serve à verser des rémunérations excessives à des dirigeants dont l’entreprise a été sauvée de la faillite par le contribuable ?

Peut-on accepter qu’à un moment où nous avons besoin de solidarité, les seuls à être exonérés de toute solidarité soient les titulaires des grands patrimoines qui bénéficient du bouclier fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

...Dans cet hémicycle, beaucoup pensent, comme nous, que c’est inacceptable. Pour notre part, nous ne nous contentons pas de le dire : nous proposons des mesures concrètes pour limiter ces dérives.

À l’occasion de l’affaire Dexia, Mme la ministre de l’économie s’est exprimée dans cet hémicycle en disant que le Gouvernement interdirait tout parachute doré, tout bonus, toute rémunération excessive aux dirigeants de Dexia.

...Pourtant, un des principaux responsables de Dexia est parti avec un parachute doré de 835 000 euros.

...Un autre a bénéficié d’une retraite chapeau qui lui garantit à vie 600 000 euros par an. Et que dire du PDG de Valeo qui est parti avec 3 millions d’euros ?

...En proposant de limiter la rémunération des dirigeants des entreprises recapitalisées à vingt-cinq fois la rémunération la plus basse de l’entreprise, nous remettons de la cohérence et de la justice.

...Nous remettons de la cohérence, parce que la rémunération d’un chef d’entreprise, c’est la rémunération du risque, ce n’est pas une rente. Nous remettons de la justice, parce qu’il est profondément choquant que la rémunération moyenne d’un dirigeant du CAC 40 soit égale à 300 fois le SMIC, alors que celle d’un patron de PME ne représente que trois fois le SMIC.

Enfin, comment accepter que les seules personnes à être exonérées de tout effort de solidarité soient les plus fortunés de nos concitoyens ? C’est pourtant ce que permet le bouclier fiscal. Je rappellerai les propos maintes fois entendus du ministre du budget : « Le bouclier fiscal empêche qu’un contribuable travaille plus d’un jour sur deux pour l’État. » C’est inexact ! Il est impossible, avec les seuls revenus du travail, d’atteindre la limite du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Roy.M. Karoutchi est blême ! (Sourires.)

M. Pierre-Alain Muet.Vous nous dites que le bouclier fiscal protège aussi des contribuables modestes. Ce n’est pas exact. Les contribuables qui bénéficient du bouclier fiscal sans être assujettis à l’ISF ne représentent que 1 % du montant du bouclier. Autrement dit, 99 % du bouclier fiscal va à ceux qui sont redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

...Le bouclier fiscal bénéficie d’abord aux grandes fortunes. Les deux tiers de son montant vont à des contribuables qui possèdent un patrimoine de 15 millions d’euros.

Avec le bouclier version Villepin, chacun d’entre eux a reçu 231 000 euros en 2007. Avec le bouclier version Sarkozy, en 2008, le chèque a doublé et chacun a reçu 368 000 euros. Trouvez-vous normal qu’un contribuable qui possède un patrimoine de 15 millions d’euros reçoive un chèque de 368 000 euros, alors que, pendant deux ans, votre gouvernement n’a donné aucun coup de pouce au SMIC ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Trouvez-vous normal qu’un contribuable qui bénéficie de niches fiscales et qui réduit son revenu imposable – et donc son impôt sur le revenu – puisse, s’il possède de surcroît un patrimoine important, se faire rembourser, grâce au bouclier fiscal, tous ses impôts sur le patrimoine, et même la CSG ?

M. le président.Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue !

M. Pierre-Alain Muet.Supprimer le bouclier fiscal, ce n’est pas seulement rétablir la justice, c’est redonner à la fiscalité des revenus son vrai rôle. En effet, il ne s’agit pas de protéger les riches en taxant les faibles, mais d’exprimer ce qui fait la force et la cohérence d’une nation : la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)