Affaire Tapie-CDR : Pourquoi nous avons saisi la Cour de justice de la République

02
Avr
2011

Le 7 juillet 2008, le Consortium de Réalisation (CDR), portant les actifs du Crédit Lyonnais, a été condamné par un tribunal arbitral à verser 285 millions d’euros à Bernard Tapie, dont 45 millions pour la réparation d’un préjudice moral.

Le rapport de la Commission des finances publié hier, comme le rapport de la Cour des comptes –accablant -  transmis à la Commission des finances, font apparaitre des dysfonctionnements majeurs et un manque flagrant de respect des procédures légales.

 

1°) Le recours à une procédure d’arbitrage demandée par Bernard Tapie - et qui s’est avérée très favorable pour lui - est inhabituel dans une situation où les finances de l’Etat sont en jeu. Pourquoi la Ministre de l’Economie a-t-elle imposé cette procédure, malgré les réserves de l’Agence des participations de l’Etat, dans une affaire où la décision de la Cour de cassation d’octobre 2006 montrait que le terrain judiciaire classique pouvait aboutir à une situation moins défavorable aux finances publiques ?  Pourquoi s’est-elle affranchie d’une habilitation législative ?

2°) Le compromis d’arbitrage diffère de la version votée par le Conseil d’Administration du CDR, qui limitait « le montant de l’ensemble de la demande d’indemnisation à 50 millions d’euros ». Cette limite est attribuée au contraire dans le compromis d’arbitrage au seul préjudice moral, par l’ajout de ce terme à la phrase précédente par le président du CDR. C’était, avant même la décision du tribunal arbitral, ouvrir la porte à une indemnisation exorbitante. Jamais l’indemnisation d’un préjudice moral n’a été fixée à ce niveau ; c’est  tout au plus de l’ordre du million d’euros !

3°) Pourquoi la Ministre a-t-elle décidé d’abandonner la voie du recours fin juillet 2008, quelques jours après la décision arbitrale, alors que le délai courait jusqu’à la mi-août 2008 et que cette décision s’avérait très défavorable à l’Etat ? Cette décision n’a été prise que grâce la voix du président de l’EPFR qui avait pourtant indiqué son intention de s’abstenir, conformément à l’usage, mais s’est finalement opposé au recours après avoir selon lui « reçu instruction du Ministre pendant la séance ». L’agence des participations de l’Etat dans sa note au Ministre du 22 juillet 2008 indiquait que « l’ampleur exceptionnelle de la condamnation, proche du montant maximum des demandes formulées par les parties opposées au CDR, justifie en tout état de cause un recours en annulation ».

Ce faisceau d’indices tend à montrer que l’ensemble de ces décisions avaient pour objet de favoriser des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général et mettent en lumière un manque flagrant de respect des procédures légales. La Cour des comptes a entamé une procédure contre les deux responsables du CDR et de l’EPFR. Mais il apparaît qu’aucune de leurs décisions n’a pu être prise sans l’accord de leur ministre de tutelle. La Ministre ayant refusé de faire la lumière sur le rôle et les motivations du pouvoir dans cette affaire, il ne restait d’autre choix que la voie judiciaire pour établir la vérité. C’est la raison pour laquelle, avec Jean-Marc Ayrault et 7 autres députés socialistes, nous avons saisi le procureur général auprès la Cour de Justice de la République.