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Interventions sur le CIR, crédit impôt recherche

16
Nov
2007

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, inscrit sur l’article 39.

Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des entreprises
et du commerce extérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes
chers collègues, l’article 39 modifie encore une fois le crédit d’impôt recherche, auquel nous
sommes évidemment favorables,...

Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Tant mieux !
J’ai eu peur ! (Sourires.)

Pierre-Alain Muet. ...non seulement parce que nous l’avons créé, mais aussi parce que nous
avons la conviction que le rôle de l’État est de contribuer à ce que les entreprises investissent dans
la recherche. Si une dépense favorise à long terme la croissance économique, c’est bien
l’investissement dans l’innovation.

Pour autant, nous ne sommes pas convaincus qu’il faille modifier continuellement les modalités du
crédit d’impôt recherche, surtout si l’on n’a pas entrepris au préalable une étude d’évaluation.
Beaucoup de pays appliquent des dispositifs comparables jouant soit sur le niveau des dépenses,
soit sur leur variation. Seule une étude d’impact sur les effets respectifs de ces deux systèmes
pourrait justifier une éventuelle modification.

Nous craignons que l’augmentation et la suppression de fait du plafonnement du crédit d’impôt
recherche ne nuise à son efficacité. Le principal problème est que ce dispositif est sous-utilisé par
les PME. Or, si le plafond tend à disparaître, les crédits seront distribués à l’ensemble des
entreprises, notamment aux plus grandes, quand il faudrait au contraire les recentrer sur les PME.
C’est ce à quoi tendent nos amendements, qui proposent à la fois de maintenir un plafonnement et
de ne pas perdre totalement l’effet en variation. Une étude de M. Mairesse montre qu’en matière de
crédit d’impôt recherche, l’impact de la dépense publique sur les dépenses d’investissement est de
un à trois. Mais je ne suis pas sûr que l’effet d’incitation demeure aussi important quand le
dispositif porte uniquement sur le niveau.

Avant d’en venir aux articles non rattachés, nous avons examiné le budget de la recherche. Il faut
dans ce domaine une politique cohérente. Il importe non seulement que le crédit d’impôt recherche
soit plus efficace, mais aussi que l’effort d’investissement dans la recherche soit significatif. Or j’ai
retenu du débat précédent que la hausse affichée de 5 % du budget de la recherche ne correspond
pas à la réalité, puisqu’il s’agit pour l’essentiel d’un rattrapage et non d’une augmentation réelle.
Si le Gouvernement avait réellement voulu mettre l’innovation et la recherche au cœur de sa
politique économique, il aurait pu le faire en juillet, au lieu de dépenser 15 milliards d’euros dans
des mesures qui ne répondent ni aux problèmes économiques de notre pays, comme le manque de
compétitivité, ni à ses difficultés en matière d’innovation et de recherche. Il aurait été plus avisé de
prévoir un paquet fiscal qui intègre, sous forme de crédit d’impôt, des mesures en faveur de la
recherche et de l’enseignement supérieur, si toutefois il avait disposé d’une étude d’impact, dont je
répète qu’elle fait cruellement défaut.

Albert Fert, prix Nobel de physique, aime à rappeler que son projet n’aurait probablement jamais vu
le jour s’il n’avait pas bénéficié d’un financement public important. Celui-ci lui a permis de
travailler en toute indépendance et de se consacrer à la recherche fondamentale, qui n’a pas tardé à
déboucher sur des applications. N’est-ce pas la preuve que la France a besoin de fournir un effort
considérable en matière de recherche et d’enseignement supérieur ? Or, au terme de la discussion
que nous venons d’avoir sur le budget de la recherche, et au seuil de celle que nous abordons sur le
crédit d’impôt recherche, il semble bien que le compte n’y soit pas. (Applaudissements sur les
bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine.)

...

M. le président. ...Je suis saisi d’un amendement n° 255. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le soutenir.

Pierre-Alain Muet. Il faut centrer le crédit d’impôt recherche sur les PME. De plus, la faiblesse
du taux du crédit d’impôt – 5 % – au-delà de 100 millions d’euros est peu susceptible de lui
permettre de jouer un rôle incitatif fort auprès des grandes entreprises. Nous proposons donc de
supprimer, dans la dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article, les mots « et de 5 % pour la fraction des
dépenses de recherche supérieure à ce montant. »

Je pense d’ailleurs que le crédit d’impôt recherche actuel, avec un plafond beaucoup plus bas, et que
vous voulez supprimer, est plus efficace en termes d’impact sur les entreprises.
Monsieur le secrétaire d’État, l’efficacité du crédit d’impôt recherche ne se mesure pas au montant
de la dépense. Lorsqu’une incitation fiscale est en variation, elle est beaucoup plus efficace sur la
dépense qu’elle induit à court terme que lorsqu’elle porte sur le volume. Notre crainte est qu’en
supprimant complètement l’aspect variation et en reportant tout sur le niveau de l’investissement –
alors que le crédit actuel est équilibré entre une partie sur le niveau et une partie sur la variation –,
vous allez dépenser beaucoup, sans forcément obtenir un effet incitatif important.

...

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 256. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour
le soutenir.

Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise également à recentrer le crédit d’impôt recherche sur
les PME. Il est pour cela proposé de faire référence à la définition communautaire des PME, c’est-à-
dire à un seuil défini selon le nombre de salariés : 250, et le chiffre d’affaires : 50 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, l’effet incitatif d’un dispositif ne se mesure pas à la dépense. Une
dépense importante peut n’avoir aucun effet. Le meilleur exemple, c’est la défiscalisation d’heures
supplémentaires, qui nécessite une dépense considérable, mais qui n’aura aucun effet d’incitation.

M. le secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Vous lisez dans le
marc de café.

Pierre-Alain Muet. Vous le reconnaissez vous-même puisque, dans le PLF, vous n’accroissez
pas du tout le nombre d’heures supplémentaires financé par rapport à l’année précédente. De même,
votre réforme du crédit d’impôt recherche n’accroîtra pas son efficacité.

M. le secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Vous êtes le seul à le
penser.

Pierre-Alain Muet. Au contraire, en retenant uniquement le niveau au détriment de la variation
et en le prévoyant pour l’ensemble des entreprises plutôt qu’en le centrant sur les PME, vous
diminuerez l’impact du crédit d’impôt recherche.

Notre amendement, s’il est adopté, aura un effet d’incitation considérable car, aujourd’hui, ce sont
les PME qui ont besoin d’être encouragées pour augmenter leurs dépenses de recherche.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, vous avez déjà répondu...

Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, avis défavorable pour les mêmes raisons que
précédemment.

M. le président. ...et M. le secrétaire d’État aussi.

Je mets aux voix l’amendement n° 256.

(L’amendement n’est pas adopté.)