Répondre à la crise économique et moraliser la finance : stocks options, parachutes, dorés paradis fiscaux (amendements au collectif budgétaire de décembre)

12
Déc
2008

Le Gouvernement prétend sans cesse qu’il veut moraliser les pratiques en matière de stock-options et lutter contre les paradis fiscaux. Mais il y a loin du discours aux actes. La majorité à refusé non seulement de revenir sur le principe du bouclier fiscal mais également tous les amendements que j’ai proposé pour exclure du boulier fiscal les impositions qui portent sur les revenus issus des stock-options, des parachutes dorés et des retraites chapeaux.

Le bouclier fiscalest particulièrement scandaleux parce qu’il rassemble des impôts aussi divers que l’impôt sur le revenu, sur le patrimoine, sur le foncier, l’ISF, la CSG…en les rapportant à un revenu qui n’est pas le revenu réel mais une sorte de revenu fiscal, qui se prête à toutes les optimisations fiscales. On arrive à des résultats profondément choquants. Ainsi, parmi les contribuables qui disposent de 15 millions de patrimoine, individuellement, vingt-sept déclarent un revenu inférieur à 1 000 euros par mois. Comment, avec un tel patrimoine, peut-on déclarer un revenu aussi faible ? L’explication est très simple : il suffit d’utiliser toutes les niches fiscales. On peut tellement réduire le revenu imposable que, grâce au bouclier fiscal, on peut arriver à s’exonérer de tout impôt. C’est proprement scandaleux. »

Vous trouverez ci-joint l’ensemble de mes interventions dans le débat sur le collectif budgétaire :

  • - explication de vote du groupe socialiste
  • - motion de renvoi en commission
  • - amendements sur le bouclier fiscal, les paradis fiscaux, les stocks options, la baisse de la TVA …

Intervention de Pierre-Alain Muet à l’Assemblée nationale lors du débat

Sur le collectif budgétaire, 9-12 décembre 2008

(extraits du Compte rendu intégral)

2èmeséance du Mardi 9 décembre 

Explication de vote du groupe PS sur l’exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le groupe socialiste votera sans hésiter l’exception d’irrecevabilité brillamment présentée par Jérôme Cahuzac, pour plusieurs raisons.

D’abord pour une question de méthode : normalement, le collectif de fin d’année devrait prendre en compte la réalité économique, d’autant que celle-ci n’a strictement rien à voir avec celle que vous aviez imaginée lorsque vous avez élaboré le budget. Or il ne fait aucune analyse de la situation ni aucune proposition pour y répondre. Le débat budgétaire sur l’exercice 2009 ne la prenait pas davantage en compte. Et si un précédent collectif a été l’occasion de prendre des mesures en faveur des banques, cela n’a visiblement pas suffi, puisqu’il vous a fallu rajouter à ce deuxième collectif un amendement de 6 milliards d’euros tirant les conséquences des décisions prises dans le cadre du plan de sauvetage des banques.

Monsieur le ministre, lors du débat sur le plan de relance, vous avez évoqué la loi TEPA : la première mesure que vous pourriez prendre dans la situation actuelle vous permettrait de réaliser des économies considérables et de créer des emplois, ce que, en trente ans d’analyse économique, je n’avais jamais vu faire ! Ce serait même un cas d’école : si vous supprimiez le dispositif absurde relatif aux heures supplémentaires qui coûte 5 milliards d’euros et a eu pour seul effet de détruire de 13 000 à 66 000 emplois, selon l’analyse récente d’un brillant administrateur de l’INSEE, vous réaliseriez le prodige de réduire le déficit et de créer des emplois ou, du moins, de ne pas en détruire. C’est, je le répète, la première mesure à prendre.

...Regardez en face la réalité du pays ! Ce n’est pas la crise financière qui explique la récession que nous connaissons depuis le début de l’année et le fait que la croissance est quasiment nulle, alors que vous aviez prévu une augmentation de 2,5 points. Je sais que la moyenne annuelle tourne autour de 0,9 parce qu’à la fin de l’année 2007 la croissance était encore relativement élevée. Mais en réalité, il n’y a aucune croissance depuis le début de l’année 2008 et la consommation des ménages est en baisse. Et si elle est en baisse, c’est que le pouvoir d’achat baisse lui aussi, et ce pour deux raisons. La première est le choc pétrolier de la fin de 2007 et du début de 2008, qui a ponctionné le pouvoir d’achat dans tous les pays industrialisés. La seconde, propre à notre pays, est l’absence de toute politique permettant de soutenir le pouvoir d’achat : depuis dix-huit vous n’avez donné aucun coup de pouce au SMIC ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

...Vous avez refusé toutes les augmentations qu’on vous a proposées ! Le résultat, c’est que le pouvoir d’achat qui avait augmenté en 2007 baisse cette année.

...Si vous voulez répondre à la crise, il faut évidemment prendre des mesures qui favorisent l’investissement, mais les accompagner de mesures qui visent à améliorer le pouvoir d’achat. Contrairement à ce que dit M. de Courson, il est faux de prétendre qu’une relance par la consommation aggrave le déficit extérieur. Demandez-le au ministère des finances : il dispose de très bons modèles économétriques qui montrent que la relance de l’investissement des entreprises augmente les importations du fait que, malheureusement, en France, la fraction importée des biens d’équipement est plus importante que la fraction importée des biens de consommation.

Il est donc totalement absurde de prétendre qu’une relance par la consommation, contrairement à une relance par l’investissement, dégraderait notre déficit commercial. Je le répète : la relance par l’investissement aurait des conséquences encore plus graves en termes de déficit extérieur.

Si vous voulez répondre à la crise, il faut un plan qui marche sur ses deux jambes, qui soutienne à la fois la consommation par le revenu et l’investissement.

La politique que vous menez depuis un an et demi est totalement incohérente. Du reste, nous n’avons jamais pu débattre de sa cohérence à l’occasion d’une projet de loi de finances ou d’un collectif budgétaire : pendant que nous les examinons, le Président de la République annonce des mesures qui s’élèvent à plusieurs milliards d’euros sans être jamais discutées à l’Assemblée, sinon par petits bouts !

Si vous vous imposiez la discipline d’utiliser les lois de finances et les collectifs budgétaires pour mener une politique économique, celle-ci gagnerait en cohérence et notre économie s’en porterait beaucoup mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

3èmeséance du Mardi 9 décembre 

Motion de renvoi en commission

M. le président.J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet.Monsieur le ministre, si un texte mérite d'être renvoyé en commission, c'est bien ce collectif budgétaire, pour au moins deux raisons : la méthode ; l'inadéquation de votre politique économique – à peine esquissée – à la réalité de la crise que traverse notre pays.

Intéressons-nous d’abord à la méthode. Au moment où ils nous sont présentés, tous les projets de loi de finances ou de loi de finances rectificative sont assez largement déconnectés de la politique qu'annonce, jour après jour, le Président de la République. Certes, l'agitation de ce dernier est telle qu'il ne doit pas être simple de la traduire dans des collectifs budgétaires. Je trouve que M. le ministre du budget a bien du mérite de tenter de le suivre. Vous lui transmettrez le compliment, monsieur Santini, puisque vous venez de le remplacer au banc du Gouvernement.

Inventer un ministre de la relance quand il existe déjà deux ministres des finances, dont un ministre des comptes – c'est-à-dire de la rigueur budgétaire –, cela ne conduit pas à éclairer les grandes orientations de la politique économique.

Mme Isabelle Vasseur.Attendez de voir !

M. Pierre-Alain Muet. Nous voyons déjà beaucoup de choses depuis dix-huit mois.

...Nous avons examiné dans l'urgence, il y a six semaines, un collectif budgétaire censé prendre en compte les conséquences de la crise financière. Ce plan était déjà loin du compte, puisqu'un nouvel amendement à six milliards d’euros vise à voler au secours du secteur bancaire.

Nous avons consacré de longues semaines à débattre d'un projet de loi de finances pour 2009 dont les hypothèses étaient déjà caduques au moment où il était présenté. À peine votre majorité l'avait-t-elle adopté que ces mesures étaient déjà totalement contradictoires avec une partie de la politique annoncée par le Président. C'est ainsi que les emplois aidés diminuaient dans le projet de budget ; en définitive, ils vont augmenter dans des proportions que l’on ignore. Les crédits en faveur de la construction de logement social baissaient de 337 millions d'euros ; dans son plan de relance, le Président de la République vient d’annoncer une hausse de 250 millions d'euros des crédits affectés au logement social, sans préciser sa référence de départ.

Bref, si le Gouvernement s'en tenait au bon usage des instruments budgétaires – PLF et PLFR –, votre politique économique gagnerait un peu en lisibilité, sinon en cohérence. Ce collectif budgétaire devrait être l'occasion de tirer les leçons d'une situation économique totalement différente de celle que vous décriviez lors de la construction du budget pour 2008. Nous devions vivre une période de croissance ; nous sommes en pleine récession. La première chose à faire aurait été de tirer les conséquences de cette récession, et notamment de s’interroger sur la pertinence de la loi TEPA adoptée en juillet 2007.

...Monsieur Santini, je suis sûr que vous en conviendrez, subventionner les heures supplémentaires en pleine récession et alors que le chômage augmente massivement, cela n’a jamais été fait par le passé.

Dans une étude déjà citée par M. Migaud, la DARES indique que les heures supplémentaires effectuées en 2007 sont conformes aux prévisions calculées à partir des données de 2006, hors mesures d'exonération. Ce dispositif n’aurait donc produit aucun effet, si ce n’est un effet d’aubaine. Mais on ne peut s’en tenir là : en période de récession, le nombre d'heures supplémentaires devrait baisser.

...Dans une telle conjoncture, c’est pour les entreprises la première variable d’ajustement.

...Elles diminuent les heures supplémentaires afin de préserver l’emploi. Vous avez réussi ce paradoxe : ce mécanisme d’amortissement qui stabilise l’économie et permet de garder un peu de confiance ne joue pas, et toute la récession se répercute sur l’emploi. C’est tout de même extraordinaire !

M. Jean Mallot.Vous avez détruit le stabilisateur !

M. Pierre-Alain Muet.Vous avouerez que dépenser cinq milliards d’euros pour parvenir à la destruction de 16 000 ou 66 000 emplois, selon les calculs récents d’un jeune économiste de l’INSEE, c’est tout de même un paradoxe ! En supprimant ces mesures de la loi TEPA, vous pourriez vous permettre de ne pas détruire d’emplois à défaut d’en créer. Je ne connais aucune autre disposition conduisant au même résultat, tout en supprimant une dépense budgétaire de ce montant ou même d’un montant inférieur. Vous avez trouvé le dispositif le plus inimaginable, le plus absurde que l’on puisse inventer. Et vous persistez à le maintenir, même en pleine récession !

...Si vous ne revenez pas sur ce dispositif, vous allez en ajouter un autre à la pile pour permettre aux entreprises de recourir au chômage partiel. Vous allez dépenser deux fois : d’abord pour détruire des emplois en subventionnant les heures supplémentaires en pleine récession ; ensuite pour faciliter le recours – logique – au chômage partiel. Nous sommes en pleine absurdité !

...Venons-en maintenant à votre plan de relance. Déjà, le terme « relance » me paraît un peu excessif pour décrire le projet de la France, alors qu’il se justifie pour qualifier les plans élaborés par d’autres pays européens. Le vôtre est complètement déconnecté de la situation économique de notre pays. L’intervention du Premier ministre, lors des questions d’actualité, confirme que vous avez décidé de faire totalement l'impasse sur le pouvoir d'achat. De cette manière, vous vous trompez non seulement sur les moyens pour sortir de cette crise, mais aussi sur ses causes.

Pourquoi, en effet, sommes-nous en récession depuis bientôt un an ? Parce que le pouvoir d'achat recule depuis janvier 2008.

M. Jean-Pierre Gorges.C’est une diminution de l’augmentation, une décélération !

M. Pierre-Alain Muet.Non, regardez les comptes trimestriels : il s’agit d’une diminution du pouvoir d’achat, pas d’une décélération ! Dès le premier trimestre, cette baisse du pouvoir d’achat a pesé sur la consommation des ménages qui progressait encore assez fortement en 2007. Comme toujours, cette contraction de la demande a engendré une diminution des investissements des entreprises et une forte baisse des effectifs. Il s’agit d’un mécanisme typiquement keynésien : la baisse du pouvoir d’achat entraîne celle de la consommation qui se répercute sur l’investissement et l’emploi, ce qui renforce l’effet dépressif. Puis à la fin de l’été – et seulement à ce moment-là –, les effets de la crise financière se sont mis à peser sur les achats immobiliers des ménages et l’investissement des entreprises.

Or votre plan dit de « relance » ne s’attaque qu’aux conséquences de la récession, et non à ses causes : à la baisse de l’investissement, non à celle du pouvoir d’achat.

Cette dernière tient en premier lieu au choc pétrolier – donc à une accélération de l’inflation – qui a frappé tous les pays à la fin de 2007 et au début de 2008. Mais si le pouvoir d’achat en a été affecté, la vraie raison de sa baisse est que, depuis un an et demi, vous n’avez pris aucune mesure pour le maintenir.

...Vous n’avez donné aucun coup de pouce au SMIC, ni favorisé, comme vous l’auriez pu, la relance des négociations salariales de façon à permettre une hausse de salaires. Vous n’avez pas davantage augmenté les petites retraites, laissant le pouvoir d’achat des intéressés se dégrader ; quant à la prime pour l’emploi, c’est pis encore, puisque vous l’avez désindexée, récupérant près de 250 millions d’euros pour financer le RSA.

M. Jean Mallot.Et hop !

M. Pierre-Alain Muet. Si la situation n’était pas aussi tragique, vos beaux discours sur le chèque accordé aux titulaires du RSA seraient presque risibles.

Un plan de relance digne de ce nom doit jouer sur les deux tableaux : l’investissement d’une part, le pouvoir d’achat et la consommation de l’autre. C’est ce qu’indique la Commission européenne, que l’on ne saurait pourtant suspecter de keynésianisme,…mais qui examine objectivement les faits. L’accent, ajoute-t-elle, doit être mis sur le pouvoir d’achat des plus modestes, qui sont les principales victimes de la crise, et notamment du choc pétrolier.

Nous ne vous reprocherons certainement pas d’annoncer pour demain, en matière d’investissement, le contraire de ce que vous avez fait hier. Les mesures de remboursement anticipé aux entreprises et aux collectivités locales et les investissements anticipés sont bienvenus mais, comme l’a rappelé le président Migaud, sur les 26 milliards annoncés, 22 figuraient déjà dans les dispositifs existants. Il s’agit donc d’un petit plan de relance, quand il faudrait s’attaquer au problème du pouvoir d’achat, vraie cause de la récession.

...Il est plaisant d’entendre M. de Courson dire que la relance du pouvoir d’achat augmenterait le déficit du commerce extérieur. La réalité est bien différente : la part importée est nettement plus faible dans la consommation des ménages, notamment des plus modestes, que dans les investissements des entreprises. Bref, tous les économistes savent que la relance de l’investissement creuse aussi le déficit du commerce extérieur.

En 1981, dit-on, la relance avait creusé les déficits. Il est vrai que notre pays n’avait pas suivi les politiques restrictives engagées partout ailleurs. À cette époque, le déficit du commerce extérieur a entraîné une crise monétaire et une dévaluation. Mais la droite devrait remercier François Mitterrand d’avoir œuvré pour l’union monétaire. Rappelons que, de 1998 à 2003 – notez que j’inclus la première année du second mandat de Jacques Chirac –, l’excédent de notre commerce extérieur s’élevait à 20 milliards d’euros, quand la baisse est continue depuis, à raison de 10 à 15 milliards supplémentaires chaque année, si bien que nous en sommes, pour 2008, à 55 milliards de déficit. Or, sans union monétaire, notre pays aurait été plongé dans une crise financière considérable une fois franchie la barre des 25 milliards d’euros.

...Vous pouvez donc, chers collègues de la majorité, remercier François Mitterrand et Jacques Delors d’avoir agi en faveur de l’union monétaire.

M. Daniel Mach.Merci d’avoir triplé le nombre de chômeurs ! Et merci à la gauche pour les 35 heures !

M. le président. Monsieur Muet, veuillez conclure.

M. Pierre-Alain Muet.De 1997 à 2002, monsieur Mach, deux millions d’emplois ont été créés. Il ne suffit pas de crier pour avoir raison. Mais laissons cela, même si j’en débattrais avec plaisir.

L’urgence est de relancer non seulement l’investissement mais aussi la consommation.

M. Jean-Pierre Gorges.Dites-nous comment !

M. Pierre-Alain Muet. C’est ce que font nos partenaires, comme le Royaume-Uni, via une baisse de la TVA. Une étude intéressante de l’institut Bruegel montre d’ailleurs que les ménages ayant subi, dans tous les pays, un choc lié à la conjoncture, la mesure pertinente serait une baisse concertée de la TVA.

M. Jean Mallot.Et voilà !

M. Pierre-Alain Muet.Bien d’autres mesures sont possibles, comme les socialistes s’efforcent de le montrer depuis un an ; l’augmentation de la prime pour l’emploi, par exemple, redonnerait du pouvoir d’achat et, en outre, de la cohérence à notre système fiscal. Pourquoi, par ailleurs, ne pas fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu afin de rendre celui-ci vraiment progressif, l’addition de ces deux prélèvements équivalant à l’impôt sur le revenu dans les autres pays ? Une politique conjoncturelle adéquate permettrait non seulement à notre pays d’affronter la crise actuelle, mais aussi de lui donner des outils cohérents à moyen terme.

L’augmentation du pouvoir d’achat passe enfin par la relance des négociations salariales.

...Des coups de pouce au SMIC sont les meilleurs signaux pour cela ; quoi qu’il en soit, les exonérations de cotisations sociales doivent être subordonnées, non à l’ouverture, mais à la réussite desdites négociations.

M. Daniel Mach.Ben voyons ! Les entreprises n’attendent que cela !

M. Pierre-Alain Muet.Les entreprises obtiendraient ainsi des débouchés : je vous invite, monsieur Mach, à observer l’évolution de la consommation des ménages et à lire les comptes trimestriels – dommage, à cet égard, que M. Woerth soit parti – ;…vous verriez, disais-je, qu’une relance qui tient l’équilibre entre le soutien au pouvoir d’achat et l’aide à l’investissement est la bonne réponse à la crise. C’est d’ailleurs celle qu’ont choisie la plupart de nos partenaires européens.

Je ne m’étendrai pas davantage.

...Ce projet de loi de finances rectificative est en dehors de la réalité.

...D’abord parce que nous n’examinerons qu’une infime partie des mesures – et encore, sous forme d’amendements – annoncées hier par le Président de la République ; mais surtout parce que cette réalité est sérieuse et grave, et que les effets de la crise financière sont, hélas, en grande partie devant nous. Cela suppose une vraie politique de relance, une vraie politique économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

3ème séance du Mercredi 10 décembre

Amendements sur l’ISF, le bouclier fiscal

M. le président.La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour défendre l’amendement n° 268.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement tend à supprimer l’indexation automatique de l’impôt de solidarité sur la fortune. Vous l’avez instaurée il y a deux ans, mais vous avez toujours refusé d’indexer également la prime pour l’emploi. Il y a donc deux poids, deux mesures, les tranches de barème pour l’ISF étant indexées sur l’inflation alors que la prime pour l’emploi ne l’est pas.

Cette situation est d’autant plus choquante que, pour financer le RSA, vous avez gelé la PPE afin d’économiser 400 millions d’euros. Vous avez donc financé le RSA par une sorte d’impôt sur les plus modestes.

(…)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour soutenir l’amendement n°274.

M. Pierre-Alain Muet.Je défendrai en même temps l’amendement n° 275, car si l’amendement n° 274 concerne le principe du bouclier fiscal, l’amendement n° 275 porte sur ses modalités d’application.

Nous vous proposons de supprimer le bouclier fiscal…

M. Lionel Tardy.Encore ?

M. Pierre-Alain Muet.Eh oui ! Nous le ferons autant de fois qu’il sera nécessaire. Cela me semble particulièrement pertinent à l’heure où l’on parle de moraliser l’activité financière.

Les documents qui nous ont été communiqués par le ministère des finances à la demande du président de la commission des finances, qui sont relatifs à l’ancien bouclier fiscal, c'est-à-dire au bouclier qui s’appliquait en 2007, montrent déjà que 68 % du coût du bouclier fiscal bénéficient à des ménages qui ont un patrimoine de 15 millions d’euros et qui perçoivent individuellement des restitutions de 230 000 euros.

M. Jean-Pierre Brard.Scandaleux !

M. Pierre-Alain Muet.Ce bouclier fiscal est particulièrement choquant parce qu’il concerne des impôts aussi divers que l’impôt sur le revenu, sur le patrimoine, sur le foncier, et l’ISF. Vous y avez même ajouté dans la loi TEPA, la CSG et la CRDS ! Toutes ces sommes sont rapportées à un revenu qui n’est pas le revenu réel mais une sorte de revenu fiscal, qui se prête à toutes les optimisations fiscales. On arrive à des résultats tout à fait étonnants, comme on le constate dans le dossier statistique qui a été remis par le ministère des finances. Ainsi, parmi les contribuables qui disposent de 15 millions de patrimoine, individuellement, vingt-sept déclarent un revenu inférieur à 1 000 euros par mois.

M. Christian Eckert.Ce sont les nouveaux pauvres !

M. Pierre-Alain Muet.Comment, avec un tel patrimoine, peut-on déclarer un revenu aussi faible ? L’explication est très simple : il suffit d’utiliser toutes les niches fiscales. On peut tellement réduire le revenu imposable que, grâce au bouclier fiscal, on peut arriver à s’exonérer de tout impôt. C’est proprement scandaleux.

Nous demandons un scrutin public sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 274 et 275 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable, comme à chaque fois que ces propositions nous sont faites. En effet, cela fait plusieurs lois de finances que nous essayons d’appliquer, comme le font d’ailleurs tous les pays démocratiques, ce principe très important que l’impôt ne peut pas être confiscatoire, ne peut pas être spoliateur. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mettre en place un plafond qui fait que nul ménage ne pourra dorénavant, dans notre pays, payer plus de 50 % de son revenu sous forme d’impôt paraît tout à fait légitime.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dorénavant, un ménage qui a des revenus importants ne pourra plus échapper à l’impôt comme cela lui était possible depuis vingt ou trente ans. Il aura beau utiliser toutes les niches imaginables – et Dieu sait si elles sont nombreuses dans notre droit fiscal – il ne pourra dorénavant défiscaliser plus de 25 000 euros.

M. Henri Emmanuelli.C’est déjà pas mal !