Une taxe sur les hauts revenus pour "retrouver une morale d'entreprendre"

21
Mar
2013

Retrouvez ci-dessous mon interview du 21/03/2013 publiée dans Les Echos. (Propos recueillis par Elsa Freyssenet).

Le Conseil d'Etat préconiserait de limiter à 66,66% la taxe sur les hauts revenus promise par François Hollande. Est-ce un problème ?

L'important est de créer une taxe qui dissuade les rémunérations excessives car c'est une question de justice et de morale et que c'est une promesse de François Hollande. Il n'y a pas si longtemps, l'échelle des rémunérations en France allait de 1 à 30, et puis, dans les dix dernières années, nous sommes passés de 1 à 300. Il n'y a que deux périodes de l'histoire contemporaine qui ont connu de telles envolées et elles ont précédé des crises majeures : celle de 1929 et celle de 2008. La dérive des rémunérations va de pair avec la finance folle. On a besoin de revenir à un éventail des rémunérations raisonnable.

 Quels scénarios restent, selon vous, ouverts ?

Nous avons déjà limité les rémunérations dans le secteur public. S'agissant du secteur privé, deux options me paraissent possibles. On peut créer une tranche marginale de l'impôt sur le revenu à 66% et l'impôt sera alors calculé sur le foyer fiscal et l'ensemble des revenus, du travail et du capital. Mais l'inconvénient est que cela dévie un peu notre objectif initial consistant à dissuader les trop hauts revenus individuels.

C'est la raison pour laquelle il ne faut pas écarter une deuxième solution qui consisterait à taxer les entreprises : la part des rémunérations dépassant le million d'euros serait alors taxée à 75%.

N'y a-t-il pas un risque de brouillage du message politique au moment où l'exécutif vante l'esprit d'entreprendre et la compétitivité ?

C'est tout le contraire. Quel patron du CAC 40 peut justifier par son travail de gagner 100 fois plus qu'un patron de PME ? Les rémunérations excessives, qui n'ont plus aucune relation avec le travail accompli, nuisent à l'esprit d'entreprise et à la valeur travail. Un chef d'entreprise qui réussit a aussi un devoir vis-à-vis de ses salariés et de la société, a fortiori en temps de crise où des efforts sont demandés à tous.

Taxer les rémunérations excessives procède de la même logique que préférer l'entreprise à la finance. La France et la gauche ont besoin de cette mesure. Ce n'est pas seulement un symbole, c'est une mesure pour retrouver une morale d'entreprendre. Après la crise de 1929, Franklin Roosevelt avait décidé de taxer à 80% les revenus supérieurs à 1 million de dollars, un taux que les Etats-Unis ont conservé jusqu'au début des années 1980. Cela n'a ni découragé l'esprit d'entreprendre ni nuit à la croissance américaine.