L'art en campagne

13
Jan
2014

A l'occasion de la journée nationale de mobilisation des artistes et des acteurs culturels, j'ai participé au débat organisé par les syndicats (SYNDEAC, SYNAVI...) à l'Ensatt.

Au-delà des arguments que j'ai développés à l'Assemblée pour défendre la sanctuarisation du budget de la culture, j'ai rappelé que les grands projets culturels sont parmi les investissements les plus rentables pour les territoires. Dès lors qu'ils engendrent des retombées économiques importantes et par conséquent des recettes fiscales, sacrifier ces grands projets pour rétablir l'équilibre financier de l'Etat est un non-sens à long terme.

 

Pierre-Alain Muet

Intervention lors de la journée nationale de mobilisation des artistes et acteurs culturels

13 janvier 2014

Cher amis,

Je voudrais à l'occasion de cette table ronde consacrée à la relation entre l'économie et la culture vous dire pourquoi, tout en soutenant pleinement la volonté du gouvernement de réduire les déficits publics, je considère que baisser le budget de la culture est un non-sens économique.

1°) Les financements alloués à la culture constituent des investissements fondamentaux d'une société, au même titre que ceux consacrés au système éducatif, à l'enseignement supérieur ou encore à la recherche.

C'est cette conception qui avait conduit au doublement du budget de la culture dans les quatre premières années de la présidence de François Mitterrand et son augmentation sous tous les gouvernements de Gauche précédents.

2°) Les grands projets culturels sont parmi les investissements les plus rentables pour les territoires. Une étude réalisée en 2011 pour le forum d'Avignon montre une très forte corrélation entre les dépenses culturelles des villes et leur niveau de développement.

Le développement culturel est un facteur déterminant de l'attractivité des grandes capitales (Berlin, Londres, Paris, New York ...) et certains grands projets culturels ont été des facteurs décisif du renouvellement urbain (Guggenheim-Bilbao, Louvre-Lens ...)

Tous les grands projets culturels font apparaître des effets induits (multiplicateurs) élevés sur l'activité économique. Les retombées économiques de Marseille capitale européenne de la culture sont évaluées à un rapport de 1 à 6. Une étude de Nova consulting réalisée pour l'Opéra de Lyon montre qu'un euro de subvention publique générait 2 € d'activité induite et 0,8 euros de dépenses liées.

A partir du moment où 1 euro de dépenses publique engendre au moins 2 euros d'activité, les recettes qui en résultent - tous acteurs public confondus - couvrent les dépenses, de sorte que sacrifier de grands projets culturels pour rétablir l'équilibre des finances publiques est un non-sens à long terme.

3°) Les artistes, comme les scientifiques ont non seulement une mission de création mais aussi une mission d'éducation et cela devrait être mieux reconnu dans le statut des intermittents. Rien ne remplace le contact direct entre l'artiste et l'enfant. C'est pourquoi il me parait important d'augmenter le volume d'heures d'enseignement pouvant être assimilées à des heures travaillées au titre de l'annexe 10, comme le suggère le Rapport parlementaire de Christian Kert et Jean Patrick Gilles.

4°) La spécificité de la culture exige par nature des financements publics croissants, de sorte que la baisse du budget de la culture est un non-sens économique. Une partie importante des dépenses culturelles et notamment celles qui concernent le spectacle vivant, sont en effet soumises à ce que les économistes appellent la « Loi de Baumol ». Les gains de productivité du travail y sont quasiment inexistants : la représentation du « Médecin malgré lui » ou l'interprétation de la « Flute enchantée » nécessitent à peu près la même quantité de travail qu'à l'époque de Molière ou de Mozart, alors même qu'on produit 20 fois plus de biens aujourd'hui en une heure de travail qu'au début de la révolution industrielle et que les salaires ont augmenté dans les mêmes proportions. En d'autres termes ce secteur est confronté par essence à des coûts croissants, de sorte qu'on ne peut le préserver qu'en acceptant non seulement un financement public important mais aussi croissant.

Maitriser les dépenses publiques est indispensable pour redresser les comptes publics. Mais, contrairement à la droite qui pratiquait un rabot uniforme, La gauche a choisi avec raison la sélectivité en préservant des secteurs essentiels comme l'éducation ou la recherche. C'est précisément au nom de cette sélectivité, que je plaide inlassablement pour que le budget de la culture soit sanctuarisé, au même titre que celui de l'éducation et la recherche.

La baisse du budget de la culture représente une goutte d'eau – 100 millions d'euros - dans l'océan des déficits hérités de l'ancienne majorité (le déficit de l'ensemble des comptes publics dépassait 100 milliards à la fin de l'année 2011).

Mais cette goutte, minuscule à l'échelle de nos déficits, peut avoir des effets considérables sur la créativité de notre pays. Quand André Malraux défendait en 1966 a l'Assemblée la création des maisons de la culture dans les départements, il eût cette comparaison, je le cite: « mesdames et messieurs ce que je vous demande c'est 25 kilomètres d'autoroute ».

Prolonger sur plusieurs années la baisse du budget de la culture comme cela est prévu dans la programmation budgétaire serait un non-sens économique. Je l'ai dit lors du débat budgétaire, je le répèterai et je ne cesserait pas d'agir pour que la Gauche se reprenne et reste fidèle à ses valeurs.