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Le prélèvement à la source : un plus pour tous nos concitoyens

19
Oct
2016

Lors de la discussion générale du budget, j'ai souligné l'importance d'une réforme - le prélèvement à la source - qui permettra enfin que notre impôt soit assis sur le revenu de l'année en cours et non sur celui de l'année précédente. Lorsqu'un contribuable se retrouve à la retraite, au chômage ou lorsqu'il subit une baisse de revenu, il doit souvent payer un impôt considérable qui ne correspond plus à la réalité de ses revenus.

J'ai rappelé que l'individualisation du prélèvement, qui consiste, tout en conservant le quotient conjugal, à ajuster le taux de prélèvement au revenu de chacun des conjoints, était un facteur d'égalité au sein du couple, corrigeant en quelque sorte l'effet inégalitaire du quotient conjugal.

Enfin, j'ai également regretté que cette réforme n'ait pas été mise en oeuvre quand Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, la proposait. Car elle aurait été votée en 2014 et mise en oeuvre en 2016, de façon irréversible dans ce mandat.

Ci-joint la vidéo et, dans la suite de cette note, le texte de mon intervention.

 

 

Intervention de Pierre-Alain Muet sur le prélèvement à la source lors la discussion générale du Projet de Loi de Finances pour 2017,

Séance du 18 octobre 2016

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je consacrerai les cinq minutes de mon intervention à une réforme majeure : la mise en oeuvre du prélèvement à la source. C'est l'arlésienne de notre débat fiscal depuis cinquante ans, un peu comme l'avait été la question de la progressivité de l'impôt, à la charnière du XIXe et du XXe siècle, avant d'aboutir heureusement à la veille de la Première Guerre mondiale. Le prélèvement à la source a fait l'objet d'un nombre de rapports tout à fait considérable. A trois reprises, on a déjà tenté de le mettre en place. En 1967, Jacques Chirac, alors secrétaire d'état à l'économie et aux finances, réunit une commission pour l'instaurer, avant d'abandonner son projet en 1968. En 1973, Valéry Giscard d'Estaing, ministre de l'économie et des finances, va plus loin : il fait voter un amendement instaurant le prélèvement à la source en première lecture à l'Assemblée nationale, mais cette mesure est abandonnée par la suite. Enfin, en 2006, Thierry Breton déclare qu'il n'y aura plus qu'à appuyer sur le bouton pour que le prélèvement à la source soit mis en oeuvre.

M. Michel Sapin, ministre. Et il n'a pas trouvé le bouton !

M. Pierre-Alain Muet. Cette réforme a été consensuelle, portée tant par la gauche que par la droite. Aujourd'hui, c'est la gauche qui la propose, mais on entend dire, notamment à droite, qu'elle serait moins indispensable. Il est vrai que des gains de productivité, qui ont effectivement justifié dans le passé des tentatives de mise en place du prélèvement à la source, ont été réalisés. Mais ce n'est pas essentiellement pour cette raison que la réforme est importante. Le taux de recouvrement de l'impôt, qui a aussi été un argument en faveur de cette mesure, n'est pas non plus une raison valable : aujourd'hui, ce taux est élevé, que l'impôt soit prélevé à la source, comme la CSG, ou par rôle, comme l'impôt sur le revenu. Il existe pourtant un argument fondamental, essentiel : il convient de faire en sorte que l'impôt soit ajusté aux revenus présents. Quand on se retrouve à la retraite, au chômage ou quand on subit une baisse de revenus, on doit souvent payer un impôt considérable qui ne correspond plus à la réalité de ses revenus. Le formidable travail effectué par l'administration fiscale, que je veux saluer, comporte d'ailleurs de beaux exemples pour illustrer mon propos. Ainsi, un contribuable se retrouvant au chômage pendant dix-huit mois peut être dans une situation tout à fait caricaturale : dans un premier temps, il continue de payer des impôts sur des revenus élevés qu'il ne perçoit plus, puis il devient non-imposable au moment où il retrouve un emploi !

M. Michel Sapin, ministre. Bon exemple !

M. Pierre-Alain Muet. Oui, cette réforme est essentielle. Nous en avons besoin. Contrairement à ce que j'entends, il est vraiment opportun de la mener aujourd'hui même si elle aurait pu être engagée il y a deux ans, mais j'y reviendrai. En effet, la déclaration sociale nominative -DSN- permettra à terme d'ajuster le taux de l'impôt à la réalité du revenu perçu. Pour l'instant, comme dans la plupart des pays, le taux appliqué est celui des années précédentes. Or la DSN permettra un véritable ajustement instantané : non seulement l'assiette d'imposition sera la bonne, puisqu'il s'agira du revenu mensuel présent, mais le taux sera aussi très proche de celui qui devrait s'appliquer à ce revenu. Cette raison justifie amplement la mise en oeuvre d'un prélèvement à la source contemporain.

Je souhaite ajouter quelques mots sur l'individualisation du prélèvement, un point qui fait débat. Certains de nos collègues de la délégation aux droits des femmes soulignent avec raison que le quotient familial est injuste, puisqu'il subventionne en quelque sorte l'inégalité au sein du couple, généralement au détriment des femmes. Or, sans toucher au quotient familial, en gardant l'impôt tel qu'il est, il sera possible d'en individualiser le prélèvement pour l'adapter à la situation de chacun. Je souhaite que le Gouvernement fasse un effort de communication sur ce sujet. Permettez-moi de vous donner un excellent exemple. Un ménage composé de deux personnes percevant respectivement un revenu mensuel de 2 000 euros et de 10 000 euros est soumis à un taux moyen d'imposition de 19 %. On n'appliquera évidemment pas un taux de prélèvement de 19 % à celui qui gagne 2 000 euros ! En individualisant le prélèvement, comme le propose le Gouvernement, on appliquera au revenu le plus faible le taux correspondant à celui d'un célibataire corrigé par le quotient familial, soit environ 6 %. Le revenu le plus élevé sera alors soumis à un taux de 21 %, qui reste inférieur à celui que subirait un célibataire sans appliquer de quotient familial.

Ce mode d'individualisation a un petit défaut, inévitable quand on applique le taux des années précédentes : il ne reporte les effets du quotient conjugal que sur le revenu le plus élevé. Pour autant, il s'agit d'une avancée considérable, qui permet d'ajuster l'impôt au revenu réel. Je veux vous faire part d'un regret : ce débat aurait été plus opportun il y a deux ans, en 2014, lorsque cette mesure était proposée par Jean-Marc Ayrault. La réforme aurait alors pu être totalement mise en oeuvre au cours du quinquennat, ce qui aurait été la meilleure façon de la rendre irréversible.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement ! Nous avons manqué une occasion !

M. Pierre-Alain Muet. Je termine en m'adressant à nos collègues de l'opposition. Vous avez essayé par trois fois d'instaurer le prélèvement à la source. J'entends vos discours, mais il serait vraiment dommage, au sujet d'une mesure consensuelle appliquée dans le monde entier, que la droite refuse de soutenir cette réforme parce que c'est la gauche qui la propose.