Proposition de Loi du groupe socialiste pour mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage

26
Jan
2011

Cette proposition de Loi vise à mettre fin à ce qui constitue à la fois un anachronisme et une discrimination incompatible avec les principes de notre république. Les gens du voyage, qui, comme tous citoyens français peuvent circuler partout en Europe avec un passeport, ne peuvent pas le faire librement dans leur propre pays, puisqu'ils doivent détenir un livret de circulation ou un carnet de circulation.

La Loi du 3 janvier 1969, toujours en vigueur, exige en effet de toute personne ayant une résidence mobile la possession, soit d'un livret de circulation si elles disposent de ressources régulières, soit d'un carnet de circulation si elles n'ont pas de ressources régulières. Il s'agit de la seule catégorie de citoyens français pour laquelle la possession d'une carte d'identité ne suffit pas pour être en règle.

La Halde a souligné dans sa délibération de décembre 2007 que cette loi est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit dans son article 14 « toute discrimination dans le droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence ». Comment refuser à des citoyens français ce droit fondamental inscrit dans l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme.

À cette atteinte à la liberté de circulation s'ajoute une discrimination en matière de droits civiques : les gens du voyage doivent avoir été rattachés trois ans à la même commune pour pouvoir y exercer un droit de vote, alors qu'une personne sans domicile fixe peut exercer ce droit au bout de six mois.

Je me tourne vers nos collègues la majorité dont je sais que beaucoup partagent notre point de vue sur cette loi de 1969. Vous nous avez dit en commission qu'il n'y a pas urgence, qu'il faut attendre le rapport de la mission sur l'accueil et l'adaptation des gens du voyage. La mission en question aurait du déjà remettre son rapport et ce rapport porte pour l'essentiel sur un autre sujet certes important : les aires d'accueil.

Nous avions déjà entendu ce discours « il est urgent d'attendre » il y a un peu moins d'un an lorsque nous avions proposé une proposition de loi pour imposer la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue. Depuis, le conseil constitutionnel a obligé le gouvernement à faire voter une Loi qui reprend ces propositions que vous aviez rejetées à l'époque.

La même chose pourrait se produire en ce qui concerne les discriminations dont sont victimes les gens du voyage. Maintenant que le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité existe, il est évident que, tant au regard du droit de circuler librement qu'au regard du droit de vote, les dispositions de la loi de 1969 sont appelées à être déclarées inconstitutionnelles.

En supprimant la loi du 3 janvier 1969. On ne créerait aucun vide juridique puisqu'on remplacerait le système du rattachement par celui de l'élection de domicile déjà en vigueur. Quant à la question de l'accès aux aires d'accueil. Elle pourrait être tout simplement réglée par l'adhésion volontaire à une association dont je salue les représentants qui sont dans ces tribunes.

Avant de conclure, je voudrais saluer la mémoire, d'une adjointe au maire de Lyon, Guylaine Gouzou-Testud, membre du groupe Europe écologie, et militante inlassable de la lutte contre toutes les formes de discrimination, dont les obsèques ont lieu en ce moment même à Lyon.

Les représentants des associations nous ont rappelés tout à l'heure que certains d'entre eux étaient français depuis le 15ème siècle. Être français c'est d'abord assumer l'héritage d'une nation métissée qui se veut indivisible, d'une République qui accueille, éduque, rassemble, sans distinction de race, d'origine, de couleur, de religion ou de mode de vie.

Les gens du voyage ne demandent ni passe droits, ni discrimination positive, Ils demandent simplement le droit à l'indifférence, c'est-à-dire de le droit de ne plus être considérés comme des étrangers dans leur propre pays. Ils demandent à être des citoyens ordinaires avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

C'est ce que propose cette proposition de Loi ; et notre Assemblée s'honorerait à abroger dès maintenant une loi contraire aux principes de notre République, plutôt que d'attendre une censure du Conseil constitutionnel.

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