21
Juil
2008

J’ai voté contre une réforme constitutionnelle en trompe-l’œil qui prétend accroître le rôle du Parlement alors qu’elle accentue en réalité la dérive « présidentialiste » du régime.

Pendant tous ces derniers mois, lors des débats sur la réforme constitutionnelle, le groupe socialiste a fait des propositions qui, pour l’essentiel, n’ont pas été retenues.

Si le texte comporte certains points positifs comme la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens ou le référendum d’initiative populaire, l’essentiel des mesures qui prétendaient rééquilibrer les pouvoirs ont au contraire disparu au fil des débats : le non cumul des mandats, le contrôle effectif par le Parlement des nominations décidées par le chef de l’Etat et surtout la réforme du mode de scrutin du Sénat. Comment prétendre accroître le pouvoir du Parlement en conservant une « anomalie démocratique », le Sénat, qui, alors même que toutes les collectivités locales qu’il est censé représenter ont basculé à gauche, reste le « domaine réservé » de la droite.

En réalité cette réforme ne rééquilibre par les pouvoirs du Parlement et de l’exécutif ; elle renforce le rôle du président et abaisse celui du Premier ministre. Elle ne transfère pas les pouvoirs du Premier ministre au Parlement, mais au chef de la majorité parlementaire : c’est lui qui partagera désormais avec le Premier ministre la maîtrise de l’ordre du jour. Et elle risque même de remettre en cause un des droits fondamentaux du Parlement : le droit d’amendement.

Enfin, en permettant au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, elle change la nature du régime. Quel sens aura la désormais la déclaration de politique générale du Premier ministre et le vote qui lui est associé, dès lors que cette déclaration aura été faite par le Président de la république sans vote et sans débat en sa présence ?

C’est en réalité un régime présidentiel que dessine cette réforme, mais sans en avoir l’équilibre des pouvoirs, puisque si le président n’est pas responsable devant l’Assemblée comme dans les régimes présidentiels, il conserve en revanche le droit de dissolution des régimes parlementaires.

08
Juil
2008

La droite a engagé depuis plusieurs années une offensive idéologique d’envergure, imposant ses thèmes et récupérant les peurs. Malgré ses échecs économiques successifs au pouvoir, cette offensive a brouillé les repères et force est de reconnaître que nous n’avons pas su y répondre efficacement lors des élections nationales de 2007, comme d’ailleurs de 2002. Le congrès de Reims  sera un succès s’il conduit à une majorité cohérente qui mette le parti socialiste au travail au cours des trois prochaines années, comme il avait su le faire de 1995 à 1997. Nous devons construire un projet ‘social-démocrate’ crédible et audible, capable de rassembler  la gauche de gouvernement pour l’emporter en 2012.

Parce que je pense qu’il faut donner priorité aujourd’hui à la cohérence de notre projet et au débat d’idées, j’ai décidé de privilégier la rédaction de contributions thématiques et de signer la contribution générale de François Hollande, en espérant que tous ceux qui partagent la même ligne politique se retrouveront dans une motion cohérente à l’automne. Si les divergences ne portaient que sur le contenu des contributions, cela ne devrait guère être difficile.

En cohérence avec la réforme du PS évoquée dans la contribution cosignée avec Philippe Zittoun, j’ai rédigé des contributions thématiques avec des co-auteurs avec qui je partage des idées fortes sur le thème en question (le temps de travail et le développement durable avec Dominique Méda),  la réforme fiscale (avec Didier Migaud) et qui signent pourtant des contributions générales différentes de celle que j’ai signée.

1°) Comme je l’écris avec Philippe Zittoun dans la contribution :

Pour une véritable réforme du Parti Socialiste 

je souhaite que notre parti sache trancher les grandes questions lors de conventions thématiques plutôt que de multiplier des affrontements sur des contributions générales qui se ressemblent (presque) toutes et ne conduisent jamais à trancher sur le fond les sujets qui y sont évoqués.

Les trois autres contributions thématiques concernent les sujets suivants :

2°)  Le temps de travail et le plein emploi (avec Dominique Meda et le parrainage de Michel Sapin) :

 Travailler tous, travailler mieux: pour un véritable plein emploi

3°)   le développement durable  et un nouveau modèle de croissance (avec Dominique Meda et le parrainage de Michel Sapin)

 Changer de modèle de développement

4°)  la réforme fiscale (avec Didier Migaud)

Vers l'impôt citoyen, efficace et responsable

05
Juil
2008

En remettant en cause la hiéarchie des accords qui obligeait un accord d'entreprise à être au moins aussi favorable aux salariés que l'accord de branche qui l'encadrait, Le gouvernement ouvre la porte à un formidable démantèlement du droit social. Désormais un chef d'entreprise pourra fixer le temps de travail de ses salariés dans une négociation dont il sera le maître du jeu, sans aucune autre limite que la durée maximale de 48 h de la directive européenne. C'est une profonde régression sociale qui risque d'entraîner notre pays dans une spirale vers le bas. Car à l'échelle de l'entreprise l'accord entre le salarié et son employeur n'est pas équilibré, comme il l'est à l'échelle de la branche entre un syndicat et une organisation d'employeur. C'est précisément pour éviter cette spirale vers le bas, qui avait entraîné les pays industralisés dans la grande dépression des années trente, que les pays les plus développés d'Europe ont depuis longtemps fixé une hiérachie des normes sociales : la Loi, puis l'accord de branche et enfin l'accord d'entreprise. Dans une critique visionnaire du libéralisme économique, Lacordaire disait déjà en 1848 "entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit". La vérité sur la durée du travail... Monsieur Xavier Bertrand ayant, lors du débat, constesté les chiffres de durée hedomadaire du travail que j’ai évoqué dans mes interventions, je publie ci-joint les données d’Eurostat que je lui ai remis, qui montrent que la durée hedomadaire moyenne du travail de l’ensemble des salariés en France (36, 5 h) est proche de la moyenne européenne (36,8) supérieure à l’Allemagne (34,6) et aux pays d’Europe du Nord… Vous trouverez ci-joint la vidéo de mon intervention lors de la discussion générale du projet de loi et en document joint l'ensemble de mes interventions sur ce projet de loi.

 

Durée hebdomadaire moyenne du travail de l’ensemble des salariés  dans les pays européens  (en heures, source Eurostat)

Europe 27 : 36,8      Dan:   34,5    Espa:  38,1      Litua : 39,2    Pol : 40,1     

Zone euro : 35,9      Alle :    34,6  Fran : 36,5       Lux  : 36,6     Por : 39,0    

Belgique :   35,5      Esto:    39,3  Italie : 36,6      Hon : 39,9     Rou :41,3  

Bulgarie :    41,3      Irlan :   35,1  Chyp : 39,2     PB :   29,5     Finl : 36,4   

Rep Tch :   40,5      Grèce : 39,7  Letton :40,6    Aut : 37,5      Suè : 35,­6  

RU :  36,6     Nor : 33,2                       

Source : Eurostat, 4ème trim 2007, durée du travail habituellement prestée

 

Publier des données tronquées ne prenant en compte que la durée du travail des salariés à temps plein ne donne pas une image correcte de la réalité du travail et de sa durée dans chaque pays et n’a aucun sens quand on évoque l’efficacité économique. C’est la durée la durée effectivement travaillée et non la durée conventionnelle ou celle des seuls travailleurs à temps plein qui exprime la réalité de la durée du travail dans chaque pays. Toutes ces données sont disponibles sur le site d’Eurostat

Le graphique suivant montre que c’est dans les pays les plus développés que la durée heddomadaire du travail y  est la plus courte. L’échelle de gauche représente le PIB par pesonne occupée dans chaque pays (la base 100 est la moyenne des 27 pays de l’Union européenne), l’axe horizontal la durée hebdomadaire moyenne du travail de l’ensemble des salariés (en heures).

 

Le discours selon lequel une faible durée du travail (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de la France) nuirait à l’efficacité économique est totalement contredit par les faits. Et même dans un pays comme les Pays Bas où l’ampleur du temps partiel  conduit  à une durée hebdomadaire du travail très faible (29,5 heures) le PIB par personne occupée est encore supérieur à celui de l’Allemagne qui travaille 34,6 h  ou du Royaume-Uni qui travaille 36,6 heures.

 

18
Jui
2008

La droite veut en finir avec les 35 heures. Mais l’idée selon laquelle c’est en favorisant les heures supplémentaires qu’on relancera la croissance est erronée et ridicule…

Vous trouverez dans la suite de cette note mon article paru dans le monde daté du mercredi 18 juin.

En savoir plus...

10
Jui
2008
Nous avons en France une situation très particulière : dans la plupart des pays, l’institut de la statistique est une institution indépendante, alors qu’en France, si elle l’est dans les faits – tous les audits soulignent que l’indépendance professionnelle est un des éléments forts de la culture de l’INSEE –, en droit, c’est une direction du ministère des finances. Il est donc important que la loi consacre clairement l’indépendance de l’INSEE.

L’Assemblée a décidé, il y a quatre mois, de créer une mission d’information commune à trois commissions – la commission des finances, celle des affaires économiques et celle des affaires sociales – pour examiner les grandes données économiques, mais aussi pour donner un avis sur la gouvernance de l’INSEE. Cette mission d’information, que j’ai présidée et dont le rapporteur était le député Hervé Mariton (UMP), est arrivée très rapidement à deux conclusions. La première, c’est qu’il ne fallait pas bouleverser le statut de l’INSEE, qui doit rester une direction du ministère des finances et continuer à coordonner l’ensemble des services statistiques. La seconde, c’est qu’il fallait conforter l’indépendance de l’INSEE en l’inscrivant dans la Loi et en créant au sein du Conseil National de l’Information Statistique rénové et renforcé un collège d’experts indépendants chargés de veiller au respect de cette indépendance.

Malgré un vote à l’unanimité de notre rapport par les 3 commissions de l’Assemblée, la ministre de l’économie a continué à proposer  dans l’article 38 de la Loi de modernisation de l’économie la création d’une haute autorité distincte du CNIS sans mentionner explicitement dans la Loi ni sa composition ni l’indépendance, alors même que tous les personnalités consultées dans le cadre de notre mission (experts, syndicats, association de consommateurs) recommandaient de ne pas créer une haute autorité séparée mais de renforcer le CNIS et de mentionner explicitement dans la Loi l’indépendance professionnelle de l’INSEE. Cela nous a conduits avec Hervé Mariton à proposer un amendement à l’article 38 qui reprenne les conclusions de notre rapport.

Le débat a montré que contre l’avis initial de la ministre, l’Assemblée entendait jouer pleinement son rôle, comme l’ont exprimé la plupart des députés rejoignant l’avis du président de la commission des finances Didier Migaud :

« Une mission d’information, commune à trois commissions de notre assemblée, a été mise en place. Les sensibilités politiques de la majorité comme de l’opposition y étaient représentées. Elle a formulé une proposition consensuelle, approuvée par les trois commissions, par la majorité et par l’opposition. Quelle chance formidable pour le Gouvernement ! ... Pourquoi donc hésiter à adopter cet amendement de la commission des finances, de M. Mariton et de M. Muet, qui ont travaillé dans un esprit consensuel ? Non seulement leur proposition dépasse les clivages politiques, mais elle rassemble les communautés d’experts de toutes sensibilités. Il y a eu un vrai travail parlementaire, qui a abouti à une proposition consensuelle. Et malgré cela, le Gouvernement estimerait avoir raison contre tout le monde ? J’ai un peu de mal à comprendre, madame la ministre… »

Madame Lagarde a fini par s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée qui a voté notre amendement à l’unanimité.

 
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